Analyse d’extrait
II- Analyse d’extrait
II-1
Extrait 1 :
L’ouverture
Le soir, quand tous dorment, les riches dans leurs chaudes couvertures, les
pauvres sur les marches des boutiques ou sous les porches (=construction qui
forme un espace couvert intérieur à l'entrée. vestibule) des
palais moi je ne dors pas. Je songe à ma solitude et j’en sens tout le poids.
Ma solitude ne date pas d’hier
Je vois, au fond d’une impasse que le soleil ne visite jamais, un petit
garçon de six ans, dresser un piège pour attraper un moineau mais le moineau ne
vient jamais. Il désire tant ce petit moineau ! Il ne le mangera pas, il
ne le martyrisera pas(=faire souffrir intensémen. Torturer). Il veut en faire son
compagnon. Les pieds nus, sur la terre humide, il court jusqu’au bout de la
ruelle pour voir passer les ânes et revient s’asseoir sur le pas de la maison
et attendre l’arrivée du moineau qui ne vient pas. Le soir, il rentre le cœur
gros et les yeux rougis, balançant au bout de son petit bras, un piège en fil
de cuivre.
Nous habitions Dar Chouafa, la maison de la voyante. Effectivement, au
rez-de-chaussée, habitait une voyante de grande réputation (=opinion favorable (dont jouit quelqu'un ou quelque
chose)). Des
quartiers les plus éloignés, des femmes de toutes les conditions venaient la
consulter. Elle était voyante et quelque peu sorcière. Adepte (=personne qui aime. Paritisan (e) de la confrérie (= association)
des Gnaouas (gens de Guinée) elle s’offrait, une fois par mois, une séance de
musique et de danse nègres. Des nuages de benjoin (= substance parfumée sécrétée par certains végétaux) emplissaient et les crotales(=clochette) et
les guimbris nous empêchaient de dormir, toute la nuit.
(Je ne comprenais rien au rituel compliqué qui se déroulait au rez-de-chaussée.
De notre fenêtre de deuxième étage, je distinguais à travers la fumée des
aromates (=substance d'origine végétale, à l'odeur ou à la saveur
agréables) les silhouettes
gesticuler. Elles faisaient tinter(=produire des sons
légers et clairs) leurs instruments bizarres.
J’entendais des you-you. Les robes étaient tantôt bleu ciel, tantôt rouge sang,
parfois d’un jaune flamboyant. Les lendemains de ces fêtes étaient des jours
mornes, plus tristes et plus gris que les jours ordinaires. Je me levais de
bonne heure pour aller au Msid, école coranique située à deux pas de la maison.
Les bruits de la nuit roulaient encore dans ma tête, l’odeur du benjoin et
l’encens(=substance qui dégage une fumée odorante par combustion) m’enivrait(=se
laisser transporter par (quelque chose d'agréable). Se griser). Autour de moi, rôdaient (=errer) les jnouns
me frôler (=caresser) de leurs doigts brûlants, j’entendais leurs rires comme par les nuits
d’orage. Mes index dans les oreilles, je criais les versets tracés sur ma
planchette avec un accent de désespoir.
Les deux pièces du rez-de-chaussée étaient occupées par la Chouafa
Nous partagions avec Fatma Bziouya le deuxième étage. Nos deux fenêtres
faisait vis-à-vis et donnaient sur le patio, un vieux patio dont les carreaux
avaient depuis longtemps perdu leurs émaux (=embellissements) de couleur et qui paraissait pavé de briques. Il
était tous les jours lavé à grande eau et frotté au balai de doum. Les jnouns
aimaient la propreté. Les clientes de la Chouaffa
Il n’avait pas de clientes tous les jours. Aussi inexplicable que cela
puisse paraître, il y avait la morte saison. On ne pouvait prévoir l’époque
brusquement, les femmes cessaient d’avoir recours à des philtres (=boisson possédant des vertus particulières. Breuvage) d’amour, se préoccupait moins de leur avenir, ne
se plaignaient plus de leurs douleurs de reins, des omoplates ou du ventre,
aucun démon ne les tourmentait.
La Chouafa la Chouafa
J’avais peut-être six ans. Ma mémoire est une cire fraîche et les moindres
événements s’y gravaient en images ineffaçables. Il me reste cet album pour
égayer (=susciter
la gaieté de (quelqu'un)) ma solitude,
pour me prouver à moi-même que je ne suis pas encore mort.
A six ans j’étais seul, peut-être malheureux, mais je n’avais aucun point
de repère qui me permît d’appeler mon existence : solitude ou malheur.
Je n’étais ni heureux, ni malheureux. J’étais un enfant seul.