Ahmed Sefrioui
Écrivain marocain qui passe pour l’initiateur de la littérature marocaine d’expression française. Né à Fès en 1915, de parents berbères, il occupe quelques hauts postes administratifs d’abord aux Arts et Métiers de Fès, puis à la direction du tourisme à Rabat. Il est mort en mars 2004.
Parmi ses œuvres
Le Chapelet d’ambre (Le Seuil, 1949) : son premier roman où il évoque Fès (il obtient le grand prix littéraire du Maroc, pour la première fois attribué à un Marocain).
La boîte à merveille (Le Seuil, 1954) : La ville de Fès vue à travers le regard du petit Mohammed. Ce roman ethnographique apparaît comme le texte inaugural de ce qui est aujourd'hui la littérature marocaine d'expression française.
La Maison de servitude (SNED, Algérie, 1973).
Le jardin des sortilèges ou le parfum des légendes (L’Harmattan, 1989).
Boîte à merveille (La)
Boîte à merveille (La)
par
Ahmed Sefrioui
( Roman)
février 1954, le seuil
La ville de Fès vue à travers le regard du petit Mohammed. Ce roman ethnographique apparaît comme le texte inaugural de ce qui est aujourd'hui la littérature marocaine d'expression française.
introduction Roman LA BOITE A MERVEILLES - AHMED SEFRIOUI
Introduction :
L’autobiographie :
L’autobiographie est le récit rétrospectif (=qui concerne
ce qui est passé) en prose de sa
propre existence, sous ses aspects les plus intimes (=propres). Dans
l’autobiographie, la relation entre l’auteur et son public s’établit dans le
respect d’une triple règle :
- auteur, narrateur et personnage sont associés ;
- l’auteur s’engage à dire la vérité ;
- le lecteur est constitué en juge du récit (l’auteur se justifie de ses
fautes passées).
L’auteur /narrateur/
personnage principal marque une synthèse de son expérience. Il embrasse
l’ensemble de sa vie individuelle, recompose l’histoire de sa personnalité. Le
narrateur considère rétrospectivement son expérience passée, sur laquelle il
jette un regard neutre, ému ou ironique selon le cas.
L’autobiographie |
La forme |
Le thème |
L’auteur |
Un récit en prose |
L’auteur parle de lui même et de sa vie |
Il y a fusion entre
l’auteur narrateur -personnage. L’auteur : celui qui écrit le
livre. Le narrateur : celui qui raconte
l’histoire. Le personnage : Protagoniste (= acteur)
dans l’histoire. Auteur=
narrateur=personnage. |
Les personnages principaux de l’œuvre
Module 1
Etudier les
caractéristiques du roman autobiographique
Ahmed SEFRIOUI, la boite
à Merveilles, 1954
Les personnages
principaux de l’œuvre :
Je :
C’est
l’auteur-narrateur-personnage. Il est le fils de lalla Zoubida et de Sidi
Abdeslem. Il s’appelle Sidi Mohamed.âgé de six ans, il se sent seul bien qu’il
aille au M’sid. Il a un penchant pour le rêve. C’est un fassi d’origine
montagnarde qui aime beaucoup sa boite à Merveilles, contenant des objets mêlés.
Il souffre de fréquentes diarrhées
La boite à
merveille :
Le véritable ami du narrateur. Elle contenait des boules de verre, des
anneaux de cuivre, un minuscule cadenas sans clef, des clous à tête dorée, des
encriers vides, des boutons décorés, des boutons sans décor, un cabochon (=bouchon en verre ou en cristal de forme arrondie) de verre à facettes offert par Rahma et une
chaînette de cuivre rongée de vert-de-gris offerte par Lalla Zoubida et volée
par le chat de Zineb
Lalla
Zoubida :
la mère du narrateur. Une
femme qui prétend être la descendante du prophète et s’en vante (s’en flatte). Elle croit aux superstitions. Ses yeux
reflètent une âme d’enfant ; elle a un teint d’ivoire, une bouche
généreuse et un nez court. Elle n’est pas coquette. Agée de vingt-deux ans,
elle se comporte comme une femme vieille.
Sidi
Abdeslem :
le père du narrateur, homme d’origine montagnarde. Il s’installe à Fès avec
sa famille après avoir quitté son village natal situé à une cinquante de
kilomètre de la ville. Il exerce le métier de tisserand (=fabriquant des tissus) Grâce à ce métier, il vit à l’aise. Homme fort et
de haute taille. Un homme barbu que le fils trouve beau. Il a la quarantaine.
La
chouaffa :
Voyante, c’est la
principale locataire de Dar Chouaffa et on l’appelle tante kanza.
Dris El
Aouad :
C’est un fabriquant de
charrues. Il est époux de Rahma. Il a une fille âgée de sept ans qui s’appelle
Zineb.
Fatma
Bziouya :
Elle partage avec la
famille du narrateur le deuxième étage, son mari Allal est jardinier.
Abdelleh :
Il est épicier. Le
narrateur lui attribue toutes les histoires merveilleuses qu’il a eu l’occasion
d’entendre.
Le fqih du
Msid :
Maître de l’école
coranique. Il somnole pendant que les écoliers récitent les versets du Coran.
Il distribue des coups de baguette au hasard.
Un grand maigre à barbe
noire, dont les yeux lançaient des flammes de colère et qui habitait rue Jiaf.
Lalla Aicha :
Une ancienne voisine de
lalla Zoubida, c’est une Chérifa qui a su rester digne malgré les déception du
sort et dont la connaissance flattait l’orgueil de lalla Zoubida.
Driss le
teigneux :
Fidèle serviteur de Sidi
Abdessalem, il garnissait (= remplissait) les canettes et faisait les
commissions.
Résumé général de l’œuvre + Schéma narratif :
Résumé général
de l’œuvre :
L’auteur-narrateur
personnage raconte son enfance alors qu’il avait six ans. Par un va et vient
entre le point de vue de l’auteur-narrateur adulte et de l’auteur-narrateur
enfant , le lecteur entre dans le monde solitaire du narrateur qui malgré
quelques timides amitiés ne semble compter comme véritable ami que la boite à merveilles.
En faisant le bilan de son enfance, l’auteur raconte ses journées au Msid
auprès du fqih et de ses condisciples (=collègues), la maison de Dar Chouafa et
les habitudes de ses habitants ainsi que le souvenir de fierté de sa mère
concernant ses origines et son habitude à passer du rire aux larmes en plus de
son art de conter les événements d’une façon qui passionnait son auditoire. De
part son genre, le récit reste un véritable témoignage du vécu de ses
personnages par la fréquence des noms de quartier qui constituent une véritable
cartographie géographique. La figure calme du père est mise à rude épreuve dans
le marché des bijoux quand il vient aux mains avec le courtier avant d’acheter
les bracelets or et argent à sa femme.
Cet incident précède
l’annonce de la perte du capital dans le souk des haïks ce qui fait basculer le
niveau de vie de la famille dans la pauvreté. Après avoir assuré le quotidien
de sa famille, le père part aux environs de Fès pour travailler comme
moissonneur. Après un mois d’absence, il rentre chez lui pour apprendre le
divorce de Moulay Larbi avec sa seconde
épouse, la fille du coiffeur, ce qui lui permet d’exprimer son soulagement
quant à ce dénouement.
Schéma
narratif :
Etat
initial :
L’auteur-narrateur
personnage vit avec ses parents. Rien ne
perturbe sa vie heureuse. Cette phase occupe une place importante dans le récit
(Ch. I jusqu’au Ch. VIII). L’ampleur de cette étape traduit la félicité dans
laquelle baigne le petit enfant. D’ailleurs, il est plongé dans un monde
merveilleux.
Elément
perturbateur :
Ce qui trouble cette
félicité c’est la ruine du père qui a perdu son capital : l’argent qu’il
portait sur lui est tombé quelque part dans un souk.
Péripéties :
Le voyage du père à la
campagne, où il exerce un travail pénible afin de pouvoir amasser de l’argent
nécessaire pour se rétablir dans son atelier. (Ch. VIII, IX, X, XI). Le congé
accordé au petit qui ne va pas à l’école coranique à cause de sa faiblesse. La
tristesse de la mère qui se rend aux mausolées et consulte les voyants.
Dénouement :
Le retour du père.
Situation
initiale :
Le retour de
l’équilibre : le bonheur. La réouverture par le petit de sa boite à
Merveilles.
Resume chapitre I
GLOSSAIRE CHAPITRE I
GLOSSAIRE CHAPITRE I
Ebaucher : commencer
Grignoter : manger par petites quantités en dehors des repas Synonyme:
picorer
Talisman :objet souvent fait d'une pierre ou d'une plaque de métal
gravées d'inscriptions mystérieuses ou de symboles auquel on confère
rituellement un pouvoir surnaturel et protecteur supposé être bénéfique à qui
le porte
Vocifération parole prononcée en criant et avec emportement (vif
mouvement de colère)
Boyau : passage étroit, tortueux et sombre
Niaiserie : stupidité mêlée de naïveté crédule
Promiscuité : voisinage désagréable
Impudeur : irrespect ou dédain des convenances amenant à préserver
le secret
Tumulte : vacarme
Anéantir : détruire totalement
Eclabousser : atteindre moralement (quelqu'un dans sa réputation)
Gobelet : récipient cylindrique de petite taille sans anse et de
profondeur supérieure à son diamètre
Indécence : non-respect des règles de bienséance et de pudeur
Pénombre : lumière dont l'intensité est très faible
Glaise : terre très argileuse grasse et imperméable
Rumeur : nouvelle d'origine incertaine ou douteuse
Extase : état de ravissement extrême
Hétéroclite : composé de styles ou de genres différents
Vaillant : qui fait preuve de courage face aux difficultés de la
vie
Entremetteur : intermédiaire
Calamité : catastrophe
Paroxysme : plus haut point d'intensité (de quelque chose)
Auge : assiette dans laquelle on mange (familier; péjoratif)
Mollesse : manque de conviction ou d'enthousiasme
Reniement : abandon ou rejet. Désaveu
Crotté : sali par la boue
Pouilleuse : couverte de poux (insecte parasite externe piqueur
vivant sur la peau ou dans le pelage, causant des démangeaisons et vecteur de
maladies infectieuses)
Piaillement : son strident émis par la voix, répété ou non
Harde : troupeau
Ragoût : cuisine plat constitué de morceaux (de viande ou de poisson) et de légumes cuits
ensemble dans une sauce épaisse
Panégyrique : discours élogieux, écrit ou oral, qui glorifie
(quelqu'un ou quelque chose). Eloge
.Guenille : vêtement déchiré et en piteux état Synonyme: loque
Antagoniste : en rivalité ou en concurrence
Contorsion : mouvement exagéré occasionné par une gêne ou destiné à
provoquer un effet
Analyse d’extrait
II- Analyse d’extrait
II-1
Extrait 1 :
L’ouverture
Le soir, quand tous dorment, les riches dans leurs chaudes couvertures, les
pauvres sur les marches des boutiques ou sous les porches (=construction qui
forme un espace couvert intérieur à l'entrée. vestibule) des
palais moi je ne dors pas. Je songe à ma solitude et j’en sens tout le poids.
Ma solitude ne date pas d’hier
Je vois, au fond d’une impasse que le soleil ne visite jamais, un petit
garçon de six ans, dresser un piège pour attraper un moineau mais le moineau ne
vient jamais. Il désire tant ce petit moineau ! Il ne le mangera pas, il
ne le martyrisera pas(=faire souffrir intensémen. Torturer). Il veut en faire son
compagnon. Les pieds nus, sur la terre humide, il court jusqu’au bout de la
ruelle pour voir passer les ânes et revient s’asseoir sur le pas de la maison
et attendre l’arrivée du moineau qui ne vient pas. Le soir, il rentre le cœur
gros et les yeux rougis, balançant au bout de son petit bras, un piège en fil
de cuivre.
Nous habitions Dar Chouafa, la maison de la voyante. Effectivement, au
rez-de-chaussée, habitait une voyante de grande réputation (=opinion favorable (dont jouit quelqu'un ou quelque
chose)). Des
quartiers les plus éloignés, des femmes de toutes les conditions venaient la
consulter. Elle était voyante et quelque peu sorcière. Adepte (=personne qui aime. Paritisan (e) de la confrérie (= association)
des Gnaouas (gens de Guinée) elle s’offrait, une fois par mois, une séance de
musique et de danse nègres. Des nuages de benjoin (= substance parfumée sécrétée par certains végétaux) emplissaient et les crotales(=clochette) et
les guimbris nous empêchaient de dormir, toute la nuit.
(Je ne comprenais rien au rituel compliqué qui se déroulait au rez-de-chaussée.
De notre fenêtre de deuxième étage, je distinguais à travers la fumée des
aromates (=substance d'origine végétale, à l'odeur ou à la saveur
agréables) les silhouettes
gesticuler. Elles faisaient tinter(=produire des sons
légers et clairs) leurs instruments bizarres.
J’entendais des you-you. Les robes étaient tantôt bleu ciel, tantôt rouge sang,
parfois d’un jaune flamboyant. Les lendemains de ces fêtes étaient des jours
mornes, plus tristes et plus gris que les jours ordinaires. Je me levais de
bonne heure pour aller au Msid, école coranique située à deux pas de la maison.
Les bruits de la nuit roulaient encore dans ma tête, l’odeur du benjoin et
l’encens(=substance qui dégage une fumée odorante par combustion) m’enivrait(=se
laisser transporter par (quelque chose d'agréable). Se griser). Autour de moi, rôdaient (=errer) les jnouns
me frôler (=caresser) de leurs doigts brûlants, j’entendais leurs rires comme par les nuits
d’orage. Mes index dans les oreilles, je criais les versets tracés sur ma
planchette avec un accent de désespoir.
Les deux pièces du rez-de-chaussée étaient occupées par la Chouafa
Nous partagions avec Fatma Bziouya le deuxième étage. Nos deux fenêtres
faisait vis-à-vis et donnaient sur le patio, un vieux patio dont les carreaux
avaient depuis longtemps perdu leurs émaux (=embellissements) de couleur et qui paraissait pavé de briques. Il
était tous les jours lavé à grande eau et frotté au balai de doum. Les jnouns
aimaient la propreté. Les clientes de la Chouaffa
Il n’avait pas de clientes tous les jours. Aussi inexplicable que cela
puisse paraître, il y avait la morte saison. On ne pouvait prévoir l’époque
brusquement, les femmes cessaient d’avoir recours à des philtres (=boisson possédant des vertus particulières. Breuvage) d’amour, se préoccupait moins de leur avenir, ne
se plaignaient plus de leurs douleurs de reins, des omoplates ou du ventre,
aucun démon ne les tourmentait.
La Chouafa la Chouafa
J’avais peut-être six ans. Ma mémoire est une cire fraîche et les moindres
événements s’y gravaient en images ineffaçables. Il me reste cet album pour
égayer (=susciter
la gaieté de (quelqu'un)) ma solitude,
pour me prouver à moi-même que je ne suis pas encore mort.
A six ans j’étais seul, peut-être malheureux, mais je n’avais aucun point
de repère qui me permît d’appeler mon existence : solitude ou malheur.
Je n’étais ni heureux, ni malheureux. J’étais un enfant seul.
II-2-Analyse
II-2-Analyse
Cet extrait au dessus est
un texte autobiographique : l’emploi du pronom personnel « je »,
qui est l’une des caractéristiques indispensables de l’autobiographie, est
systématique dans l’œuvre. Il y a une liaison entre le narrateur, l’auteur et le personnage
principal. En effet, le narrateur est un personnage de l’histoire ; il
assure la relation de l’histoire. L’auteur s’exprime à travers son intervention
directe pour commenter certains faits (l’emploi du présent). Cette distance
entre l’auteur, qui est une personne adulte, et le personnage, un petit enfant,
apparaît dès le début : « Le soir, quand tous dorment….ma solitude
ne date pas d’hier ». Ici, le « je » renvoie directement à
l’auteur, et le temps verbal (le présent) renvoie à la situation d’énonciation
/ écriture. L’auteur se détache provisoirement du personnage en utilisant le
pronom de la troisième personne « il ».
L’autobiographie est identifiée
à un album dont les images se dérouleront devant ses yeux.
Le travail de mémoire est important dans
l’écriture autobiographique. L’auteur, personne adulte, revient sur son passé
et l’examine, d’où l’emploi des temps verbaux du récit, à savoir le passé
simple, l’imparfait, le plus que parfait…Cependant, il y a toujours des retours
au présent : l’auteur examine certains faits passés à travers sa
conscience et sa vision actuelles. Dans ce passage, la mémoire est à
l’œuvre : « Ma mémoire était une cire fraîche et les moindres
événements s’y gravaient en images ineffaçables ».